Entretien : « Il est possible de parvenir à un monde équitable, juste et sans émission de gaz à effet de serre »

Mindy Lubber est la directrice générale et présidente de Ceres, une entreprise à but non lucratif œuvrant en faveur de la durabilité qui travaille avec les chefs de file du marché des capitaux les plus influents – les investisseurs, les entreprises, les régulateurs et les décideurs politiques – pour appliquer des solutions politiques équitables dans les activités économiques. Elle est à la tête d’une équipe de direction composée uniquement de femmes qui a inspiré ces chefs à prendre des mesures qui permettront de stabiliser le climat, de protéger l’eau et les ressources naturelles, et de faire advenir des économies plus justes et plus inclusives. En 2020, Mme Lubber a été l’une des lauréates du prix Champions de la Terre du Programme des Nations Unies pour l’environnement, et elle a été choisie par le magazine Barron’s comme l’une des 100 femmes les plus influentes du monde financier des États-Unis deux ans de suite.

 

Mindy Lubber, CEO and President of Ceres. Photo courtesy of Ceres.
Mindy Lubber est la directrice générale et présidente de Ceres. Photo courtesy of Ceres.

Qu’est-ce qui a déclenché votre plaidoyer en matière de durabilité environnementale ?

Il remonte à mes études secondaires, au moment où je me suis engagée dans un programme de recyclage. À l’université, lors de mes études de troisième cycle et à la faculté de droit, mon objectif complet consistait à établir la façon dont je pourrais appliquer les compétences acquises pour bâtir un avenir durable. Après la naissance de mes deux enfants, je me suis dit que « je me jetterais devant un bus pour les sauver », mais j’ai constaté que nous étions en train de faire advenir une société qui est vraiment un bus se dirigeant vers nos enfants, et qu’il existait peut-être même un lien émotionnel avec la durabilité, en raison du fait que je suis une mère. Cette considération reste profondément ancrée dans tout ce que j’ai fait, que ce soit en matière d’élaboration et d’application de politiques, de la vie politique, de la réglementation ou des litiges.

Selon vous, qu’est-ce qui vous a permis de réussir à convaincre des entreprises de procéder à des évaluations de risques climatiques et à adopter des objectifs de durabilité ?

Garder le but bien en vue et persuader les plus grands acteurs financiers – les investisseurs, les entreprises, les décideurs politiques et les régulateurs – de lutter contre le risque climatique. Nous avons présenté des arguments économiques en faveur de mesures relatives au climat et à la lutte contre ses impacts, en particulier sur les communautés les plus affectées. Nous avons amené les chefs de file du secteur privé les plus influents à soutenir ces mesures à travers des changements politiques et réglementaires. Nous avons travaillé assidûment à l’instauration d’une durabilité dans les marchés de capitaux, et nous commençons à voir un changement très réel se produire.

Quand avez-vous constaté l’importance de l’inégalité des sexes dans votre travail ?

C’est une question plus récente. Ce ne devrait pas être le cas, car il est si clair que les femmes sont affectées de tant de façons, et plus que d’autres. À la COP26, les femmes en sont ressorties plus fortes que jamais auparavant, de manière coordonnée, et nous avons réalisé que nous avions construit quelque chose qui n’est pas seulement un groupe de militantes, mais des femmes qui sont présidentes de banques, d’institutions financières et d’entreprises. Nous avons produit un rapport de groupe sur les raisons pour lesquelles le rôle des femmes dans le secteur financier est si important.
 
Les femmes sont celles qui subissent la crise climatique de plein fouet, et elles ont un rôle déterminant à jouer dans l’avènement de systèmes économiques équitables et durables, même si elles sont toujours exclues des plus hauts niveaux de la sphère financière. L’équité des sexes est importante dans la lutte contre le changement climatique. Je constate qu’il y a plus d’activités, d’engagements et de reconnaissance du rôle exceptionnel et spécial qu’assure le genre dans les finances, l’équité et la durabilité.

Que doit-on faire pour devenir une femme leader de l’action climatique qui réussit ? 

Greta Thunberg est l’exemple parfait d’une jeune femme qui a un impact hors pair sur ce monde. Dans son raisonnement, elle fait ressortir clairement que les petites étapes n’ont plus de valeur. Sa ténacité et son audace à se lever et à faire des sacrifices et dire la vérité sont admirables. Elle dit les choses comme elles sont, non filtrées, et exprimées du point de vue de quelqu’un qui a toute sa vie devant elle - et elle a raison. Nous méritons cette critique. Elle a un impact parce qu’elle se met en relation avec les gens. Elle s’est connectée à des jeunes d’une façon qui rompt avec nos façons habituelles de voir et nous devons tous apprendre d’elle.

Quel est le message que vous souhaiteriez partager à propos du thème de la JIF de cette année : « L’égalité des sexes aujourd’hui pour un avenir durable » ? 

Ces choses sont indissociables et nous nous exposons nous-mêmes à nos propres périls si nous pensons que nous pouvons les attaquer un par un. Il est impossible de lutter contre les changements climatiques sans les femmes et les personnes de couleur, et c’est pourquoi elles doivent participer aux discussions et prendre des décisions. Vous ne pouvez pas analyser le climat et l’égalité des sexes séparément. Il nous faut nous engager dans une discussion holistique.
 
Nous devons également passer des mots aux actes. Il est possible de parvenir à un monde équitable, juste et à émissions nettes nulles. Nous avons besoin d’un monde où les flux financiers vont dans la bonne direction. Nous devons nous concentrer sur les changements d’ordre réglementaire et politique comme le fait un laser. Chaque engagement doit être fondé sur des cibles afin que nous sachions si nous arrivons à les honorer. Mais il nous reste peu de temps pour agir de manière audacieuse. Il ne s’agit pas de petits changements, mais de changements majeurs qui seront contraignants. Si nous n’agissons pas, les conséquences seront bien plus importantes.