Guerre, naissance et espoir au Soudan

« Quand j’ai découvert que j’étais enceinte, j’ai décidé que je n’abandonnerais jamais mon enfant », a déclaré Amna Salih*.

Quand ONU Femmes a parlé pour la dernière fois à Mme Salih, elle avait récemment accouché d’un enfant conçu lorsqu’elle a été violée par des soldats en pleine guerre civile au Soudan.

« Aujourd’hui, je tiens enfin mon bébé de sept mois dans mes bras », a-t-elle dit. Mme Salih, qui a 19 ans, a déclaré qu’elle était déterminée à élever son enfant, malgré « la sévérité de la société suite à la découverte de ma grossesse ».

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Une mère et sa fille d’un an atteinte de malnutrition aiguë sévère bénéficient d’un traitement au centre de santé Hayal Arab à Atbara dans l’État du Nil au Soudan. Photo : UNICEF/UNI607280/Ahmed
Une mère et sa fille d’un an atteinte de malnutrition aiguë sévère bénéficient d’un traitement au centre de santé Hayal Arab à Atbara dans l’État du Nil au Soudan. Photo : UNICEF/UNI607280/Ahmed

Des centaines de femmes et de filles soudanaises ont été violées au cours du conflit entre les forces armées soudanaises et les forces d’appui rapide, qui sévit dans le pays depuis avril 2023.

Dans un rapport publié en septembre 2024, l’Unité de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants (CVAW) du gouvernement soudanais a documenté 216 incidents de violences sexuelles au cours des 18 premiers mois du conflit, mais elle estimait que ces cas documentés représentaient à peine 2 % du total des incidents de violences sexuelles. Selon la conclusion du rapport, la violence sexuelle est employée comme une arme au Soudan, en vue d’infliger des humiliations pour des raisons ethniques ou idéologiques, d’expulser ou de déplacer des populations de force, de semer le désordre et de susciter un sentiment d’insécurité. 

L’insuffisance des soins de santé et des services d’appui psychosocial ne fait qu’intensifier la pression qui pèse sur les personnes ayant survécu à des violences sexuelles.

« Quand il est né, [mon fils] a longtemps été malade, avec des complications », a confié Mme Salih. « Je ne produisais pas suffisamment de lait pour le nourrir et maintenant, ça s’est complètement arrêté. »

ONU Femmes a travaillé avec l’Organisation soudanaise pour la recherche et le développement (SORD), en vue de fournir un soutien psychologique et médical à Mme Salih, ainsi qu’à beaucoup d’autres personnes, ce qui l’a aidée à reconstruire sa vie et à prendre soin de son enfant.

Selon Mme Salih, une travailleuse sociale l’a aidée à obtenir des soins de santé et un soutien émotionnel avant la naissance de son bébé, et une famille locale l’a généreusement prise en charge avec son bébé après l’accouchement. Toutefois, cette famille est confrontée à des difficultés économiques en raison de la guerre, ce qui laisse une plus grande incertitude sur l’avenir de Mme Salih. 

« Souvent, je pense que le fardeau et les responsabilités sont devenus excessifs pour eux, car je n’ai aucune source de revenu, particulièrement du fait que mon bébé a besoin de lait artificiel [en poudre], de vêtements et de soins de santé », a déclaré Mme Salih. « Je suis ennuyée d’être un fardeau pour eux, même s’ils ne se plaignent jamais et ne me donnent jamais cette impression ».

Les enfants conçus suite à des violences sexuelles liées à un conflit, dont le fils de Mme Salih, n’ont pas de documents officiels essentiels tels qu’un certificat de naissance complet identifiant le père de l’enfant. Le Conseil national de l’enfance au Soudan supervise les programmes de protection sociale pour les enfants qui ont besoin d’un soutien, mais le système manque de fonds et de protocoles cohérents – particulièrement en temps de guerre. 

« La société est impitoyable », a indiqué Mme Salih.« Souvent, on entend des propos haineux et des surnoms employés pour désigner les enfants qui ne connaissent pas leur père ou leur mère. » 

ONU Femmes et SORD collaborent en vue de sensibiliser à tous les niveaux les personnes qui ont survécu à des violences, en s’attaquant à la fois aux impacts directs de la violence sexuelle liée à un conflit et aux obstacles structurels et culturels que rencontrent les femmes et les filles. 

« La violence sexuelle liée au conflit au Soudan pose un problème de taille qui se traduit par une insécurité économique, une vulnérabilité sociale et un accès limité aux services essentiels », a déclaré Safia Alamin, spécialiste de programme auprès d’ONU Femmes Soudan pour la lutte contre la violence basée sur le genre et la protection contre l’exploitation et les abus sexuels.

« Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité soulignent la nécessité de mesures préventives et réactives face à cette violence, notamment un appui complet », a-t-elle ajouté. « Malgré cela, de nombreuses personnes ayant survécu à la violence peinent à accéder à des services en raison de ressources limitées, d’une stigmatisation socioculturelle et d’un manque d’informations. » 

ONU Femmes travaille également avec des partenaires locaux à l’élaboration d’un cadre complet intégrant des ressources juridiques, psychologiques et économiques en soutien aux femmes comme Mme Salih ainsi qu’à l’expansion de la portée des services essentiels. 

« Je rêve de terminer mes études pour pouvoir soutenir mon fils à l’avenir, répondre à ses besoins et couvrir ses dépenses », a confié Mme Salih. Mais parfois, a-t-elle ajouté, « l’avenir est totalement sombre pour moi ».

*Le nom de Mme Salih a été modifié pour assurer sa sécurité.