À travers la Jordanie, des refuges offrent des motifs d’espoir aux survivantes de la violence

À seize ans, Maysam Hamed a été incarcérée dans une prison pour femmes en Jordanie. L’accusation qui pesait contre elle était qu’elle s’était évadée de la maison familiale, où elle avait été victime de maltraitance, et qu’elle s’était trouvée dans la rue, ce qui constituait un motif de détention administrative. Ce ne fut-là que le début d’une longue série d’abus dont Hamed n’est parvenue finalement à se libérer que grâce au soutien d’un programme multisectoriel mené conjointement par ONU Femmes, l’UNICEF, le FNUAP et l’Union des femmes de Jordanie.

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« On m’a mise en prison alors que j’avais 16 ans. De quoi m’accusait-on ? J’étais sans-abri parce que ma famille ne voulait pas de moi ».

C’est ainsi que Maysam Hamed*, aujourd’hui âgée de 37 ans, s’est trouvée pour la première fois dans une situation critique, qui a abouti à son incarcération à Al Jawaideh, la prison pour femmes de Jordanie. La Loi n° 7 de 1954 sur la prévention de la criminalité en Jordanie prescrit que des adultes et des mineurs peuvent être détenus s’ils sont perçus comme présentant une menace pour la communauté et comme étant susceptibles de se livrer à des activités criminelles. Le crime dont Hamed était accusée était de s’être échappée du domicile de son père, pour s’être trouvée dans la rue, jusqu’au moment où les autorités l’ont placée en détention administrative.

Réunion de sensibilisation sur le mariage précoce organisée au centre de l’Union des femmes de Jordanie à Hitteen avec le soutien d’ONU Femmes, du FNUAP et de l’UNICEF, avec l’aide généreuse du Royaume de Norvège. Crédits photos : ONU Femmes/Christopher Herwig
Réunion de sensibilisation sur le mariage précoce organisée au centre de l’Union des femmes de Jordanie à Hitteen avec le soutien d’ONU Femmes, du FNUAP et de l’UNICEF, avec l’aide généreuse du Royaume de Norvège. Crédits photos : ONU Femmes/Christopher Herwig 

« On m’a parlé de cette fille qui était gardée en prison sans avoir été accusée de quoi que ce soit et j’ai immédiatement mobilisé nos avocats et nos spécialistes pour voir comment intervenir. Je me suis même rendue au domicile de son père pour obtenir la permission de la libérer [comme le prévoyait la loi] et lui ai offert d’aider sa fille à terminer sa scolarité », déclare Nadia Shamrouk, directrice générale de l’Union des femmes de Jordanie, une organisation nationale à but non lucratif fortement engagée dans le soutien de survivantes de la violence en Jordanie.

« C’est à 1 heure du matin que les autorités sont arrivées chez moi avec Maysam. J’étais vraiment soulagée, et nous avons fêté sa remise en liberté ensemble. À cette époque, nous venions d’ouvrir nos premiers refuges pour les survivantes de la violence, et c’était la première jeune fille que nous alliions accueillir à notre centre », précise Shamrouk. « Nous nous y prenions tour à tour pour lui tenir compagnie pendant la nuit ».

Ce refuge fut le premier lieu où Hamed s’est sentie en sécurité et entourée d’amour. « Maman Nadia » devint rapidement sa façon de s’adresser à Shamrouk.

Par la suite, Hamed put terminer sa scolarité secondaire et entamer des études supérieures. Toutefois, sa réinsertion et son rétablissement devaient s’avérer de courte durée. À peine âgée de 20 ans, Hamed a été violée par le frère d’une amie, et sa famille l’a forcée à épouser l’homme qui l’avait violée afin de préserver l’honneur de la famille.

Après avoir mis son premier enfant au monde, Hamed s’est concentrée sur les moyens de s’assurer un meilleur avenir ainsi qu’à ses enfants. Elle a trouvé un travail dans l’industrie hôtelière, et n’a pas tardé à gravir les échelons. Toutefois, ses aspirations et sa carrière ont subi un coup d’arrêt lorsque son mari a perdu son commerce et qu’elle-même s’est mise en faillite afin de pouvoir rembourser les dettes du commerce. Son mari a continué à la maltraiter et, pour finir, l’a abandonné. À l’âge de 37 ans, Hamed s’est trouvée dans la rue une nouvelle fois.

 « J’avais trois enfants à nourrir. Je n’avais nulle part où aller et aucun argent pour acheter de quoi nourrir mes enfants. Donc je suis retournée au refuge de l’Union des femmes de Jordanie, mais cette fois-là je n’étais pas seule », se souvient-elle.

Après être retournée au refuge de l’Union, Hamed et ses enfants ont reçu une assistance juridique et psychologique. Enfin libérée d’un passé de mauvais traitements, elle travaille aujourd’hui comme secrétaire du refuge et s’est trouvé un nouveau passe-temps, qui est devenu une passion : le théâtre. Dernièrement, Hamed s’est produite sur scène avec son fils devant le roi de Jordanie. Abdullah II bin A-Hussein.

Le cas de Hamed montre tout le soutien de longue durée dont des victimes de la violence ont souvent besoin pour se rétablir et rompre le cycle vicieux des maltraitances.

Depuis 2015, à travers sa présence en Jordanie, ONU Femmes aide l’Union des femmes de Jordanie à étendre son activité de soutien et de protection des survivantes de violences sexistes et sexuelles. « Voir l’espoir renaître dans le regard des femmes et des filles que nous assistons est le meilleur antidote qui nous est donné face aux moments difficiles et stressants où nous nous sentons débordées par des centaines de cas de maltraitance. Nous nous occupons de ces cas depuis l’établissement de notre organisation en 1996 », déclare Shamrouk.

Nadia Shamrouk, directrice générale de l’Union des femmes de Jordanie, une organisation nationale à but non lucratif engagée dans le soutien de survivantes de la violence en Jordanie. Crédits photos : Union des femmes de Jordanie
Nadia Shamrouk, directrice générale de l’Union des femmes de Jordanie, une organisation nationale à but non lucratif engagée dans le soutien de survivantes de la violence en Jordanie. Crédits photos : Union des femmes de Jordanie
 

« Dans nos efforts pour éliminer la violence à l’égard des femmes, nous adoptons une approche élargie visant à prévenir la violence tout en offrant des services professionnels rapides et exempts de toute stigmatisation pour appuyer les survivantes dans leur rétablissement », précisée Ziad Sheikh, représentante d’ONU Femmes en Jordanie. « En partenariat avec l’Union des femmes de Jordanie, nous allons œuvrer pour étendre ces services et appuyer d’autres refuges pour survivantes afin de pouvoir venir en aide aux femmes les plus vulnérables parmi celles qui sont dans le besoin ».

Financé par le gouvernement norvégien, le programme mené conjointement par le FNUAP, l’UNICEF, ONU Femmes et l’Union des femmes de Jordanie a fourni une assistance à 11 685 femmes, hommes, garçons et filles l’année dernière, par le biais de ses huit refuges pour femmes. Dans le cadre du programme, ceux-ci dispensent un large éventail de services, notamment des soins de santé, des services psychologiques et juridiques, des formations aux moyens de subsistance, ainsi qu’une ligne d’appel 24h/24 pour les survivantes de la violence.

Note : Le nom de la personne a été changé pour protéger son identité